Interview

Les contes traditionnels ont traversé les siècles en susurrant, de bouche à oreille, la sagesse de l’humanité. Ils ont donc des messages essentiels à nous transmettre et nous parlent des passages que nous devons tous, tôt ou tard, affronter. Pour moi, les contes sont comme des guides.

Oui, c’est exactement ça. Ces trésors sont venus à moi d’une façon totalement fortuite et je sens que j’ai le devoir de les partager avec d’autres personnes. Bien sûr que ces contes peuvent se trouver dans les livres, mais ce n’est pas la même chose de les lire que de les écouter. Par voie orale, on reçoit aussi l’énergie de la personne qui narre, son ressenti, ses sentiments, ses images, son humanité. C’est une sensation unique de communion avec l’autre, de partage au sens plus profond du terme. Cela touche quelque chose de très ancestral en nous car conter et écouter sont les formes primaires d’apprentissage et de communication.

J’en ai trouvé dans des recueils de contes de tradition orale d’Henri Gougaud ainsi que d’autres auteurs francophones. Mais j’ai surtout reçu un magnifique héritage des années de travail avec Tim Bowley qui a fait une excellente sélection de contes de sagesse et d’histoires traditionnelles de différentes cultures du monde. Il s’agit de légendes du Roi Arthur, des récits des Indiens d’Amérique, des contes celtes d’Irlande, des contes de fées européens, des contes de tradition bouddhiste zen, des contes soufis, arabes, chinois, japonais, indiens. C’est vraiment un répertoire très riche et varié de contes qui ont une chose en commun : ils sont tous comme des cartes pour trouver le chemin dans la vie.

Je suis passionnée par les langues. Il y a beaucoup de façons de conter. Mon style à moi est dans l’évocation des images en utilisant des mots simples pour aller à l’essentiel sans trop de détail, sans m’attarder dans la beauté du langage comme le ferait un écrivain. Cette simplicité permet à l’auditeur de créer ses propres images et à moi de conter facilement en plusieurs langues.

Pas vraiment ! C’est à 30 ans que j’ai eu mon premier vrai contact avec les contes, lorsque j’ai rencontré Tim Bowley, un conteur anglais de renommée internationale. Il m’a alors proposé de traduire ses spectacles et j’ai ainsi débuté à ses côtés. C’est grâce à ses 35 ans de métier et le fait de fouler les scènes les plus importantes de la narration orale en Espagne que j’ai accumulé une grande expérience.

J’ai une solide formation en théâtre, dix ans de danse, des années de chant lyrique et une grande expérience du travail de la voix et de l’expression corporelle. Mais c’est surtout l’école de la vie qui m’a formée et me permet d’incarner et de transmettre des émotions profondes aux autres.

1998, Marathon de Contes de Guadalajara, un des plus grand Festival de contes en Espagne. Avec Tim, nous avons commencé à conter devant un public de 2000 personnes, dans un brouhaha de fond assourdissant. Et soudain, un grand silence est tombé et ils ont tous commencé à nous écouter avec attention. Deux mille esprits se sont mis à imaginer et à voyager tous ensemble ! C’est le moment le plus fort que j’ai vécu dans mes 25 ans de carrière.

Je n’ai pas le souvenir de mauvaises expériences. Parfois, c’était dur de conter dans les écoles secondaires, pour des groupes d’adolescents qui ne voulaient pas être là ni écouter des histoires. C’était un peu une sensation étrange, comme un gaspillage. Mais même le public le plus réticent finit inévitablement par se laisser entraîner. Les contes ont ce pouvoir-là.

Il vient d’une histoire vécue par mon père. A l’âge de 10 ans, il nageait dans l’océan lorsqu’il a été emporté par un grand tourbillon. Il était sur le point de se noyer quand une femme, depuis la plage, a vu sa main sortir de l’eau et s’est précipitée pour lui venir en aide. Cette femme, qui s’appelait Casilda, lui a sauvé la vie et mon père s’est promis de donner ce prénom à une de ses filles.